Avant-propos

par Jean LIBIS




Ce premier bulletin constitue une tentative. Depuis que Roger Berthet a souhaité que ses efforts soient relayés, une nouvelle équipe s'est peu à peu mise en place, au gré des circonstances et de quelques affinités bachelardiennes. Il lui a paru indispensable qu'un bulletin, fût-il d'abord modeste, soit édité, afin de créer un véritable organe de communication entre les adhérents de l'Association.

L'œuvre de Gaston Bachelard est foisonnante, multiforme, énigmatique. Quand bien même nous serions amenés, ici et là, à en interroger tel aspect, à en critiquer telle dimension, nous sommes persuadés qu'elle est et demeure d'une originalité radicale dans les productions de la philosophie française du vingtième siècle. C'est dire encore que, sans avoir l'intention de jouer les hagiographes, nous souhaitons entretenir la place que cette grande œuvre mérite, et qui malheureusement lui est souvent disputée par la condescendance, voire le silence, de certains milieux intellectuels patentés.

L'avenir de ce bulletin est l'affaire de tous. Il dépend et dépendra des textes que vous nous enverrez, des informations et des références que vous voudrez bien nous communiquer. Outre le dépôt de livres et de documents à la Bibliothèque de Bar-sur-Aube, je suis attentif à la constitution d'un fichier référentiel qui viendrait compléter les ouvrages déjà classiques consacrés aux bibliographies bachelardiennes.

Les trois articles contenus dans ce premier bulletin illustrent assez bien la polyvalence de l'œuvre bachelardienne. Si Marcel Schaettel, avec le concept étonnant de "sublimation absolue", explore la fine pointe d'un imaginaire libéré du principe de causalité, Jean-Luc Pouliquen, quant à lui, rappelle opportunément que les livres du philosophe sont inséparables, en amont comme en aval, de la fréquentation des poètes (ces processus d'osmose entre productions littéraires et cheminement bachelardien constituent un carrefour passionnant, qui devrait suggérer de multiples potentialités d'études). Enfin, l'étude alerte de Claude Speranza nous met sur la piste des sources bibliographiques, parfois délicieusement surannées, que l'épistémologue Bachelard a explorées à la Bibliothèque municipale de Dijon, avant d'écrire ce livre inclassable qui s'intitule La Formation de l'esprit scientifique (il est important que le professeur de physique-chimie et le rationaliste impertinent ne soient jamais oubliés dans nos approches de l'univers bachelardien).

Je tiens à rappeler aussi que nos activités interfèrent de façon stimulante avec celles du Centre Gaston Bachelard de l'Université de Bourgogne, dont les travaux interdisciplinaires ont désormais une réputation et une audience internationales. Nous voulons cependant donner à notre bulletin - en toute modestie - une coloration spécifique, moins assujettie à la technicité universitaire, et plus ouverte à un large public éventuellement curieux de s'initier à la dimension foisonnante et parfois déroutante de l'œuvre bachelardienne. Il serait sans doute bon, aussi, que le bulletin, soit ouvert à des témoignages et à des rubriques de libre expression.

Conscient de la difficulté de la tâche, je ne peux que vous remercier chaleureusement de votre participation à la vie de l'Association, dont votre adhésion constitue déjà un témoignage significatif.

Avec mes cordiales salutations,

Le Président, Jean Libis


Reflet de cours

par Pierre Henri GAUDIN




REFLETS D'UN COURS DE GASTON BACHELARD

(à la Faculté des Lettres de Dijon en 1932)

Assis, - par exception -,
Sa tête était penchée
Dans sa concentration,
La barbe repliée.

On sentait des noèmes
Déjà prêts à surgir.
Quel en sera le thème
Que nous devrons saisir ?

Alors il se levait
Et se mettait en marche.
Sa toison s'agitait :
Celle d'un patriarche !

Sa diction s'animait,
Moustache soulevée.
Sa barbe ruisselait
Autant que sa pensée.

………………………………

Sous ses cheveux épars,
Son regard était vif
Et donnait le départ
A un débat cursif.

Sa pensée très cosmique
Etait canalisée,
- Car plutôt volcanique -,
Dans la forme ajustée.

Il retouchait le terme
S'il était trop étroit :
En artisan du verbe,
II s'y montrait adroit.

Et Gaston Bachelard
Nous jetait en pâture,
Forgée avec cet art,
Mainte notion future...


Pierre-Henri GAUDIN (5 février 1998)

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