Avant-propos
par Jean LIBIS
Cette 8e édition du Bulletin paraît plus tôt que d'habitude : en cours de
printemps pour ainsi dire. I1 n'y a pas là signe de précipitation mais bien
plutôt celui d'une vitalité accrue. La matière ne fait pas défaut et déjà
il faut songer à l'année prochaine ! Plus que jamais le comité de rédaction
tente de concilier, d'une part les exigences scientifiques et philosophiques
de l'œuvre bachelardienne ; d'autre part une approche plus ouverte, plus souple,
plus onirique de cette œuvre inclassable qui passionne de plus en plus de
lecteurs.
Cette année le volet épistémologique est un peu en retrait par rapport à la
dimension poétique et imaginaire de l'œuvre. Il n'y a là aucune ségrégation
: simplement il se trouve que le dernier Cahier de l'Université de Bourgogne,
dirigé par Gérard CHAZAL, a été entièrement consacré à " Bachelard et la physique
". Et pour ma part je répète qu'on ne saurait appréhender l'ensemble de l'œuvre
bachelardienne sans faire l'effort de lire à tout le moins La formation de
l'esprit scientifique, les Préfaces du Nouvel esprit scientifique et de La
philosophie du non, ainsi que quelques autres ouvrages fondamentaux de philosophie
des sciences. Sinon on produit de Bachelard une image falsificatrice voire
idéologique. L'inverse est d'ailleurs tout aussi vrai : on ne peut oublier
que le cheminement du philosophe fut une conversion à l'imaginaire pour reprendre
le titre d'un ouvrage important de Jacques Gagey.
Les deux études de philosophie des sciences ici présentées sont le fruit du
travail de jeunes chercheurs. Je m'en félicite ! Bruna DESTI fait des recherches
à Palerme (Italie) et elle nous propose une approche clairement pédagogique
de la microphysique et de l'atomistique bachelardiennes. Quant à Jean-Sébastien
BOLDUC, qui est Canadien, il travaille à Dijon et nous propose une approche
fort originale de la notion de " substance toxique " à travers une sorte de
psychanalyse bachelardienne. Rejouissant, cet article a déjà été publié, dans
Histoire et Philosophie des sciences. Cahier n°2. Université de Bourgogne,
2005. A cet égard, nous remercions Gérard Chazal pour sa courtoisie.
Un hommage à Jean LESCURE s'imposait bien évidemment en ce début d'année 2006.
Sylvestre CLANCIER, dont la famille a bien connu J. Lescure, a accepté de
retracer les grandes lignes d'une existence consacrée aux lettres, au cinéma,
à la poésie - sans oublier la grande peinture des années 50 qui s'inscrit
désormais dans le classicisme. De son côté. Jean-François PERRAUDIN s'est
livré à une étude approfondie du livre - essentiel - que Lescure a écrit,
dans une facture qui n'appartient qu'à lui, sur le philosophe de Bar-sur-Aube
; Jean-François Perraudin nous délivre aussi quelques aspects de la poétique
lescurienne.
Quêteur infatigable, Jean-Luc POULIQUEN a réalisé un important dossier sur
la poétesse Andrée APPERCELLE. Dossier à ne pas manquer ! Non seulement on
y rencontre un témoignage attachant sur un(e) écrivain à redécouvrir mais
aussi une série de lettres que Gaston Bachelard en personne a envoyées à Andrée
Appercelle (que nous remercions chaleureusement ainsi que Madame Suzanne Bachelard
qui a autorisé l'édition de ces documents). Au lecteur de découvrir à quel
point Bachelard est capable de se livrer en petites touches, parfois beaucoup
plus révélatrices qu'on pourrait le penser lors d'une lecture trop cursive.
La poésie encore prend le relais avec une étude importante de Gisèle VANHESE.
Professeur à l'Université de Calabre (Italie), et spécialiste de poésie contemporaine,
Gisèle Vanhese réunit, sous la houlette de Gaston Bachelard et du mythe du
phénix, ses interprétations successives de Yves Bonnefoy (dont elle est une
spécialiste), de Jad Hatem, écrivain libanais, et de Lance Henson, poète américain
d'origine Cheyenne. L'étude suivante réunit en toute limpidité Bachelard et
Baudelaire sous la plume du regretté Marcel SCHAETTEL, auquel nous avons rendu
hommage dans le Bulletin n°5, année 2003. Enfin dans la rubrique consacrée
à l'écriture vivante, nous avons cette année choisi les poèmes marins de Anne
BIHOR.EAU, dont la disposition graphique nous a communiqué un désir d'évasion
en forme de houle.
Une nouvelle photographie de la maison (disparue) de Bachelard à Dijon vient
enrichir notre iconographie : que Roger Berthet soit remercié de nous avoir
offert ce cliché. Enfin, avec la complicité de Catherine Gublin, une vue de
la nouvelle salle Gaston Bachelard, dans la Bibliothèque et médiathèque de
Bar-sur-Aube, nous donne un aperçu saisissant de la beauté énigmatique de
ce lieu tout nouvellement ouvert, et qui n'est pas encore complètement aménagé.
Chaque chose en son temps.