Editorial du Cahier n°1 - 1998
Le rayonnement intellectuel d'une grande œuvre, surtout philosophique, se mesure difficilement, l'inflation des commentaires pouvant n'être qu'effet de mode, la chape de plomb pouvant masquer une influence sourde mais d'autant plus profonde. La pensée de G. Bachelard connaît quant à elle une destinée paradoxale parce qu'elle ne relève d'aucun de ces cas de figure. Alors que la critique universitaire, surtout en France, semble l'avoir délaissé, déroutée par une épistémologie réputée datée et par une poétique aux retombées peu méthodologiques, un large public, éclectique et souvent même autodidacte, l'invoque par contre comme un penseur visionnaire ou même un sage moderne, et se nourrit de ses œuvres, surtout celles consacrées aux images.
Il importe donc de renouer le dialogue entre ces deux postérités, de soutenir et d'amplifier une approche universitaire de l'œuvre en transmettant aux chercheurs l'enthousiasme des bachelardiens non académiques et, en sens inverse, de lester ou de corriger les savoirs souvent intuitifs des fervents adeptes par des éclairages plus savants et érudits. Telle est la raison majeure qui a poussé l'Association des amis de G. Bachelard et le Centre G. Bachelard de recherches sur l'imaginaire et la rationalité, équipe de recherches de l'Université de Bourgogne, à créer Les Cahiers Gaston Bachelard. Cette publication annuelle permettra d'accueillir et de diffuser des recherches récentes, de republier d'anciens textes introuvables, de faire écho à des témoignages plus personnels sur l'homme et de recenser les publications nationales et internationales en cours. Le premier numéro, daté de 1998, comporte une première série de textes qui résultent des journées d'études qui ont eu lieu ces dernières années à l'Université de Dijon. Le numéro 2, prévu pour 1999, comprendra une partie des communications faites lors du colloque international qui s'est tenu à Dijon en mars dernier et qui a permis de faire le premier bilan de la réception de la pensée bachelardienne à travers le monde.
Ce projet de Cahiers, qui bénéficie d'un comité de patronage prestigieux, et qui repose sur une équipe solide de chercheurs, débutants ou confirmés, ne pourra réussir que s'il parvient à rassembler une véritable communauté intellectuelle, qui saura apporter non seulement son soutien matériel et sa fidélité, mais aussi une participation active par l'envoi de témoignages, d'études et de recensions. Au fil des années les Cahiers pourront ainsi devenir une référence obligée pour toute étude du bachelardisme, c'est-à-dire de la pensée du philosophe mais aussi de toutes ses ramifications et métamorphoses dans la pensée et la culture contemporaine.
Jean-Jacques Wunenburger