Editorial du Cahier spécial "Bachelard et l'écriture" - 2004
Affranchi de tout dogmatisme philosophique et de tout hermétisme sclérosant, l'œuvre de Gaston Bachelard se déploie dans un bonheur d'écriture. En s'articulant sur la question de l'écriture et du langage verbal, les études ici reunies conduisent au cœur de cette singularité. Elles sont présentées selon une disposition ternaire.
Est d'abord convoqué le rêveur de mots, celui qui, notamment dans ses derniers opus, considère l'espace littéraire et l'espace poétique comme une source inta- rissable de méditation. Dans un second volet, particulièrement riche, ce sont les mots de Bachelard eux-mêmes qui sont diversement soumis à l'exégèse. Enfin, plusieurs études, assumées en particulier par des chercheurs œuvrant à l'étranger, font surgir le fondamental et redoutable problème de la traduction. Bachelard, « lecteur dévorant » lui-même, celui dont la prière au dieu de la lecture demeure jusqu'à sa mort, « donnez-nous aujourd'hui notre faim quoti- dienne », nous révèle que la jouissance d'un texte commence avec sa relecture, lorsque les mots, dégagés de leur embrigadement discursif, acquièrent leur puis- sance iconique, musicale, poétique ainsi que leur énigmatique saveur tellurique.
Dans cet univers voué aux mots, la lecture est bien la source de l'écriture
quand « les mots vont cherchant, dans les fourrés du vocabulaire, de nouvelles
compagnies ».