"Chaque hypothèse, chaque problème, chaque expérience, chaque équation
réclameraient sa philosophie. On devrait fonder une philosophie du détail
épistémologique, une philosophie scientifique différentielle
qui ferait pendant à la philosophie intégrale.. des philosophes. C'est cette
philosophie différentielle qui serait chargée de mesu- rer le devenir d'une
pensée. En gros, le devenir d'une pensée scientifique correspondrait à une
normalisa- tion, à la transformation de la forme réaliste en une forme rationaliste.
Cette transformation n'est jamais totale. Toutes les notions ne sont pas
au même moment de leurs transformations métaphysiques. En méditant philosophiquement
sur chaque notion, on verrait aussi plus clairement le caractère polémique
de la définition retenue, tout ce que cette définition distingue, retranche,
refuse. Les conditions dialectiques d'une définition scientifique différente
de la définition usuelle apparaîtraient alors plus nettement et l'on comprendrait,
dans le détail des notions, ce que nous appellerons la philosophie du non."
[Gaston BACHELARD, La philosophie du "non" : essai d'une philosophie du nouvel esprit scientifique, Avant-propos, Paris : PUF, 1940, p. 14]