Michel Serres vient de s’éteindre le 1erjuin 2019. Considéré comme un philosophe atypique et original, officier de marine dans sa jeunesse, il fut agrégé de philosophie (1955), ami de René Girard à Baltimore (USA), enseignant enhistoire des sciences à Paris, membre de l’Académie française (1990). Il a navigué, à partir d’une inspiration leibnizienne, à travers les formes de la rationalité contemporaine, n’hésitant pas à vagabonder dans la littérature, l’histoire, la technologie, etc. Ecrivain profondément attaché à la langue française et conteur à succès dans les média, il a su adopter un regard distancié, critique mais toujours animé d’une insatiable curiosité et d’une vraie confiance en l’homme. On lui doit aussi bien la célèbre trilogie d’Hermès que le Corpus des oeuvres de philosophie de la langue française. M. Serres avait préparé son DEA de philosophie avec Gaston Bachelard. Même s’il s’est rapidement écarté de lui en lui reprochant sa vision trop héroïque et abstraite de la science, il en a peut-être hérité, malgré lui, un certain style de pensée, une inventivitélangagière, des paradoxes brillants, une énergie créatrice, toujours ouverte sur la nouveauté. Son œuvre foisonnante est tissée aussi d’explorations des imaginaires, de Rome, de Tintin ou de JulesVerne. Attentif aux réalités les plus prosaïques comme aux théories les plus savantes, il a su appréhender avec un temps d'avance les enjeux les plus urgents de l'époque (écologiques et technologiques notamment), en mettant en oeuvre une rationalité complexe, pluraliste, ouverte.
Jean-Jacques Wunenburger ; Gilles Hiéronimus